Le temps de l’Afrique est-il venu ?
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Est-il venu le futur africain, numérique en particulier, qui sache répondre au potentiel économique et aux nombreuses opportunités offertes par ce continent ?
Le Tigre
indien et le Dragon
chinois ont fait leur temps. C'est au tour du Lion
africain maintenant !
Tweeter !Il m’a été demandé pourquoi j’avais quitté l’Europe pour venir m’installer en Afrique de l’Ouest. Au-delà de considérations purement personnelles, ma réponse est simple : je reste persuadé que le futur se joue ici, même si le chemin vers le développement semble long et chaotique.
Après mon interview récente sur Bitcoin, blockchain et autres cryptomonnaies, Ousmane Gueye m’a sollicité de nouveau sur le sujet du potentiel numérique de l’Afrique, face à l’hégémonie de quelques géants du Web, que l’on nomme communément les GAFAM.
J’ai déjà eu l’occasion il y a 2 ans de partager mes réflexions initiales dans 2 billets (ici et ici) intitulés “réaligner le développement digital de l’Afrique sur ses besoins réels“. Bien sûr, depuis la pandémie, il s’est passé beaucoup de choses et l’environnement a grandement évolué.
Mais, même si le continent a enfin atteint un tournant en termes d’investissements dans ses startups (vaste sujet par ailleurs), les fondamentaux que j’évoquais restent presque identiques : d’immenses challenges, dont ceux liés à l’infrastructure et à la gouvernance politique, doivent toujours être pris en compte, même si l’on pourrait considérer dans une certaine mesure, que certains blocages pourraient être en partie contrebalancés par des évolutions technologiques adaptées.De plus, même si le continent espère une certaine croissance globale, en particulier grâce à la diversification relative des secteurs économiques, les chocs internationaux actuels (guerre en Europe par exemple avec son impact sur l’inflation, le cours du Dollar américain et les chaines d’approvisionnement…) ne laissent pas obligatoirement place à un optimisme sans borne.
A priori, je commence donc aujourd’hui sur cette page une nouvelle série de billets, qui vont tenter d’explorer ma vision de différents pans du futur africain (digital, investissements, développement local, MMT…), avec un point de vue qui est le mien (et que je partage donc
), probablement “un peu” critique.
Voici pour débuter, mes réflexions sur le “futur africain numérique”, avec les 3 “billets d’humeur” que j’ai adressés pour la radio, que vous pouvez lire ou écouter ci-dessous.
Futur Africain digital ? (intro)
Lorsqu’une entreprise me consulte pour sa transformation digitale, ma première question est toujours : quels sont vos objectifs concrets ? Globalement, vous voulez faire quoi de ces changements ? Malheureusement, le plus souvent, c’est une stratégie fumeuse qui est évoquée, bien loin de la réalité du terrain et des aspirations de ses clients. C’est une classique réorganisation “TOP-DOWN”, du management vers les équipes, qui ne prend pas en compte les besoins réels des clients internes et externes. Le plus souvent, les résultats seront décevants…Les pays africains ont depuis plusieurs années la même approche : le numérique va nous sauver, tout doit être digital, partout, tout le temps, pour l’avenir, pour réussir… Mais pour réussir quoi ?Bien sûr qu’il faut digitaliser les pays et leurs économies, mais peut-être faut-il aussi une stratégie et des objectifs à court, moyen et long termes ! Décréter que “mon pays va devenir un hub numérique,” c’est de la méthode Coué !Former des milliers de jeunes à développer, sans leur offrir de possibilité pour être employés, c’est juste cacher la misère du chômage temporairement. Créer des incubateurs sans aider les “anciens développeurs” à devenir de vrais entrepreneurs, en oubliant de les faire travailler sur de vrais modèles économiques, c’est une perte de temps, d’argent et d’énergie. Mais c’est bon pour la communication…
Oui, le numérique, c’est vital ! Mais ce qui est encore plus important, ce n’est pas le volet “technologie”, c’est l’humain et ce qu’on veut pouvoir lui proposer.
Ecoutez le texte ci-dessus.GAFAM et futur africain (2 parties)
La place des GAFAM sur le continent africain est un problème complexe à de multiples niveaux : technologique bien sûr, mais aussi économique et surtout politique. Car cela a trait à la souveraineté tant des pays que des peuples et des personnes.Pour simplifier la dénomination GAFAM, qui peut d’ailleurs évoluer avec le temps quelque peu, recouvre toutes les très grosses entreprises, majoritairement américaines aujourd’hui, mais certaines chinoises peuvent éventuellement être considérées, qui sont en position de domination de marché sur le segment des technologies numériques et de la communication : nous avons donc Microsoft, Google devenu la pieuvre Alphabet, Facebook avec aussi Whatsapp et Instagram, renommé Meta, Amazon, Apple… Netflix a rejoint temporairement le club et on a aussi parlé d’Alibaba par exemple, avant que l’état chinois ne remette de l’ordre.Comment définir leur positionnement sur les marchés autrement que basé sur l’abus de position dominante ? Un monopole, qui peut par ailleurs être le fait d’un état ou de plusieurs entités organisées sous forme de cartel, se veut être le seul maître d’un marché, pour y imposer sa loi et au besoin utiliser la contrainte pour obliger les utilisateurs à accepter ses conditions économiques ou opérationnelles.On le voit régulièrement dans les télécoms par exemple, où les opérateurs s’entendent, avec ou sans l’aide des états pour proposer le service minimum au prix le plus élevé admissible par les consommateurs.Les GAFAM sont donc devenus de fait des monopoles, qui imposent leur loi à travers la planète, au besoin en faisant passer des lois et réglementations en leur faveur, au nom de la liberté de marché, dans le monde capitaliste et néo-libéral qui y est celui que nous devons subir depuis l’après 2ème guerre mondiale.Et cela ouvre donc la porte à tous les abus potentiels, aussi bien économiques que politiques.
Ecoutez le texte ci-dessus.
Si les GAFAM brassent énormément d’argent, avec tous les montages politiques et fiscaux qui sont imaginés régulièrement, il est pratiquement impossible de les taxer de manière efficace, même si on les oblige à s’implanter localement, car il leur est très facile, comme d’autres, d’organiser la fuite des capitaux sous de multiples prétextes (comptabilité créative !), sans parler des divers paradis fiscaux.Et c’est d’ailleurs pour cela que sur le continent africain par exemple, ils ont tout un tas de programmes “d’aide” : des académies, des bourses, des programmes spéciaux etc., pour montrer combien ils sont gentils et philanthropes. Mais, soyons clairs, s’ils vous tendent la main d’un côté, c’est pour mieux mettre l’autre dans votre poche et extraire le maximum de bénéfices.Prenons un exemple : Free Basics.C’est un pseudo-service gratuit, en fait un péage qui fait croire aux utilisateurs qu’ils sont sur internet, alors qu’ils sont en fait dans une zone limitée pour être espionnés. Les états africains et opérateurs télécoms étaient trop heureux de cette opportunité et vous ont donc vendu à Facebook. Rappelez-vous : si c’est gratuit, soit vous êtes le produit, soit vous êtes la matière première à transformer en argent. Je ne sais pas si vous avez été vendus pour un plat de lentilles, mais on vous a pris pour des jambons, c’est sûr !L’Inde avait d’ailleurs refusé et banni ce service sur son territoire, pour des raisons très claires d’atteinte à l’indépendance de l’accès à Internet.Un autre exemple, c’est la pose par Facebook et Google de câbles sous-marins d’interconnexion. Si tout le monde applaudit, il est facile d’imaginer que les transits d’informations ne seront pas toujours aussi équilibrés et ouverts qu’on veut bien le supposer, sans parler de l’écoute permanente de nos communications.C’est un classique : d’un côté, on fait semblant d’offrir un service, il y a plein de communication positive, mais derrière les intentions ne sont pas aussi désintéressées…
Ecoutez le texte ci-dessus.Conclusion
Je devais enregistrer encore 1 ou 2 autres interventions, en particulier sur la potentielle émergence d’un géant du Web né en Afrique, mais en les préparant, je me suis rendu compte que ma vision du futur africain numérique pouvait faire polémique. Si ce n’est pas un souci sur mon blog, il n’en aurait pas été de même, j’imagine, à la radio…
En effet, pour reprendre le fil de ce billet, de nombreux pays veulent mettre du numérique partout, parfois de force…
Oui, les services de l’état en digital, c’est absolument vital et même un service minimum à offrir aux populations, si tant est que sécurité et vie privée soient bien garanties et respectées.Oui, les services financiers, en particulier pour les entreprises (B2B), sont un point central du développement économique, avec par exemple la facilitation des paiements trans-frontières.
“Le numérique ne se mange pas”
Mais, comme je dis souvent à des personnes qui me regardent alors ébahies : “le numérique ne se mange pas“.Bien sûr que les technologies digitales créent des emplois et donc des salaires qui soutiennent des familles.Mais ce n’est pas avec cela qu’on va nourrir 1,4+ milliards d’habitants, à moins d’imaginer un futur extrêmement dystopique, et encore…
Le futur africain, et on le voit bien apparaitre dans les discours depuis le début de la guerre en Ukraine, c’est aussi de revenir aux bons vieux fondamentaux, dont l’agriculture pour permettre l’auto-suffisance alimentaire, au moins.Si en plus, cela pouvait se doubler d’un appui à la petite industrie de transformation nationale, ce serait l’idéal.
Le numérique (ou digital) est un outil, pas un remède miracle pour guérir tous les maux des pays et des populations… 

Tweeter !Pour revisiter ces approches, je me suis donc mis à la préparation d’autres billets pour compléter et peut-être clarifier ma vision de la transformation, dont numérique, de l’Afrique.
A suivre…