dana hilliot<p>ah..<br>Le fameux (?) monologue d'Astrov sur le climat !</p><p>"ASTROV. Tes poêles, tu peux y mettre de la tourbe, et, tes hangars, tu peux les faire en pierre. Soit, je veux bien, qu’on abatte les forêts par nécessité, mais pourquoi les exterminer ? Les forêts russes craquent sous la hache, des milliards d’arbres sont tués, on change en désert les habitations des animaux et des oiseaux, les rivières baissent et tarissent, des paysages merveilleux disparaissent sans retour, tout ça parce que l’homme, dans sa paresse, n’a pas le bon sens de se baisser pour prendre son combustible dans la terre. (A Eléna Andréevna.) N’est-ce pas que c’est vrai, madame ? Il faut être un barbare sans conscience pour brûler dans son poêle toute cette beauté, pour détruire ce que nous ne pouvons pas créer. L’homme a été doué de raison et de force créatrice pour multiplier ce qui lui était donné, mais, jusqu’à présent, il n’a pas créé, il a détruit. Les forêts, il y en a de moins en moins, les rivières tarissent, le gibier a disparu, le climat est détraqué, et, chaque jour, la terre devient plus pauvre et laide. (A Voïnitski.) Tu me regardes d’un air ironique, là, et rien de ce que je dis ne te paraît sérieux… et… peut-être que, pour de bon, c’est des histoires de toqué, mais quand je passe devant les bois des paysans que j’ai sauvés de la hache, ou quand j’entends bruire ma jeune forêt, plantée de mes propres mains, j’ai conscience de ce que le climat, lui aussi, est un tant soit peu en mon pouvoir, et que si, dans mille ans, les hommes sont heureux, eh bien, ça sera aussi, un tant soit peu, à cause de moi. Quand je plante un jeune bouleau, que je le vois se couvrir de feuilles et se balancer dans le vent, mon âme s’emplit de fierté, et je… (Voyant le valet de ferme qui lui apporte un petit verre de vodka sur un plateau.) N’empêche… (Il boit.) il est temps que j’y aille. Tout ça, sans doute, c’est des histoires de toqué, en fin de compte. J’ai bien l’honneur de vous saluer ! (Il se dirige vers la maison.)"</p><p>Nous sommes dans le premier Acte d'Oncle Vania, de Tchekhov. Pièce publiée en 1897. Les préoccupations environnementales et même climatiques, comme l'a rappelé maintes fois Jean-Baptise Fressoz, ne datent pas d'aujourd'hui. (bon, c'est environnementalisme des riches, comme dirait Peter Dauvergne, les classes bourgeoises et cultivées pour lesquelles les indigènes et les paysans sont incapables de protéger "la nature" - par défaut de science et de goût esthétique - là où la wilderness reste une idéologie de la whiteness </p><p><a href="https://mitpress.mit.edu/9780262535144/environmentalism-of-the-rich/" rel="nofollow noopener" translate="no" target="_blank"><span class="invisible">https://</span><span class="ellipsis">mitpress.mit.edu/9780262535144</span><span class="invisible">/environmentalism-of-the-rich/</span></a><br>)</p><p>Le rêve d'Astrov, "si dans mille ans, les hommes sont heureux", résonne aujourd'hui, un siècle et quelques décennies plus tard, de manière assez sinistre. </p><p>(Une pièce que j'ai lue il y a fort longtemps, et un théâtre que je redécouvre aujourd'hui en passant par le cinéma de Ryûsuke Hamaguchi, vraiment imprégné de Tchekhov, pas seulement parce que son théâtre est omniprésent dans l’œuvre du cinéaste japonais, mais plus encore parce qu'on y retrouve cette sensibilité particulière, cette finesse et cette profondeur dans l'analyse des sentiments et des angoisses existentielles)</p><p><a href="https://climatejustice.social/tags/Tchekhov" class="mention hashtag" rel="nofollow noopener" target="_blank">#<span>Tchekhov</span></a> <a href="https://climatejustice.social/tags/ryusukehamaguchi" class="mention hashtag" rel="nofollow noopener" target="_blank">#<span>ryusukehamaguchi</span></a> <a href="https://climatejustice.social/tags/Climat" class="mention hashtag" rel="nofollow noopener" target="_blank">#<span>Climat</span></a></p>